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i a construit sa propre prison. Peut-être paranoïaque, en tout cas schizophrène, et mythomane, il se retrouve en face d'un psychiatre qui lui demande de coucher l'histoire de sa vie par écrit. Et quelle vie ! Et de vies, le prisonnier en a eu plusieurs. Il commence par la plus récente, celle de Salvatore Cippio (à moins que ce ne soit Cipiko ou Cîpiko), né à Hobart Town,ray ban lunettes, en Tasmanie, en 1910. Expatrié en Australie, il en est chassé pour agitation politique. Il se rend en Italie, où il est arrêté pour propagande antifasciste. On le retrouve en Espagne dans les brigades internationales, puis soldat en Yougoslavie, enfin partisan. Il se retrouve à Dachau et,ray ban pas cher, une fois libéré,ray ban 4125 miroir, il milite à Montfalcone et rejoint les rangs titistes pour bâtir le socialisme. Il n'en est pas moins déporté en 1947 pour activité pro-Kominform dans le camp de Goli Otok, sur l'île Nue. Il retourne en Australie en 1951. En somme, une vie bien remplie de militant communiste sans cesse trahi par les instances suprêmes, par l'histoire, mais aussi par le chef de la section locale du Parti... Mais son récit est traversé par d'autres récits, à commencer par celui de Jorgen Jorgensen, aventurier qui a vécu au début du XIXe siècle. Aventurier, un peu flibustier, un peu savant, farouchement athée, foncièrement rebelle, utopique de manière excessive, il imagine de déloger les Danois de l'Islande et d'y devenir roi. Son projet échoue et il est envoyé avec les forçats de Sa Majesté britannique en Tasmanie. Ces deux destins en apparence si distants dans l'esprit, mais déjà dans le temps, ne cessent de s'entrecroiser et de s'enchevêtrer, comme si l'un rêvait l'existence de l'autre. Ils finissent par ne plus en former qu'un seul dans l'extravagante distorsion du temps et de l'espace de cette relation. Ils sont faits du même bois que Jason. Mais la quête de la toison d'or qu'ils entreprennent prend une tout autre tournure que celle du héros de la mythologie antique. Jason est abandonné par les dieux et broyé par les idées de ses pairs. Il est condamné à entreprendre une plongée dans l'Hadès, une folle, une hallucinante circumnavigation dans cet hiatus entre le désir de l'homme et les impératifs catégoriques de l'histoire. L'Hadès est ici « un puits gargouillant de paroles restant en bas, au fond ». La mémoire est la maîtresse de ce jeu effroyable : elle conduit un homme à Dachau et l'autre en Tasmanie, quand les indigènes sont exterminés jusqu'au dernier en 1876 ; elle nous fait embarquer sur un navire-prison et nous éprouver l'émotion d'un abordage ; elle nous conduit au siège du Parti communiste à Trieste et dans l'enceinte du goulag. Notre héros se retrouve à Tahiti avec un ancien mutiné du Bounty et puis, tout à trac, dans le château royal et, enfin, sur le champ de bataille de Waterloo auprès de Wellington. Dans ces pages fiévreuses et hantées par le spectre de la mélancolie, Claudio Magris se fait l'héritier moderne de Lawrence Sterne. Et, aussi curieux que cela puisse paraître, il présente quelque analogie avec William S. Burroughs quand il narre les aventures de capitaine Mission et de son rêve de société égalitaire des pirates. Le drapeau noir frappé de la tête de mort et le drapeau rouge du marxisme-léninisme ne forment qu'une seule et même bannière. Et la nature, dans cette tragédie, prémédite des paysages noirs, aussi noirs que la folie et la mort, d'où seules des figures de proue, représentant des femmes aimées et perdues, offrent une lueur de beauté dans un univers des grandes idées à toujours perdues. Par vocation ou peut-être aussi par une mystérieuse nécessité, Magris est devenu un voyageur impénitent. Une partie de ses récits de voyage a déjà été publiée dans la belle anthologie parue dans la collection « la Quinzaine littéraire-Louis Vuitton ». Ici, l'écrivain nous parle de son Orient - en commençant par se demander ce que signifie ce terme dans notre culture - un thème obsédant dans l'Empire austro-hongrois. L'Iran, la Chine, le VietRelated articles:


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